La liquidation judiciaire emporte le dessaisissement du débiteur, le mandataire liquidateur se substituant au Dirigeant de l’entreprise. Dès lors, les fautes de gestion du Dirigeant emportant un éventuel comblement du passif ne peuvent qu’être antérieures à l’ouverture de la liquidation judiciaire.
Ce point ne saurait faire débat.
Qu’en est-il par contre des fautes antérieures à une liquidation judiciaire mais postérieures à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 22 janvier 2020 – n°18-17.030 – a jugé que les fautes de gestion commises par le Dirigeant durant le redressement judiciaire de l’entreprise, placée par la suite en liquidation judiciaire, sont susceptibles d’engager sa responsabilité pour insuffisance d’actif.
La solution n’est pas inédite.
Il est tout de même utile d’en évoquer la substance et de rappeler aux Dirigeants que la séparation des patrimoines permise par le truchement d’une personne morale souffre d’une certaine porosité.
Les fautes de gestion du Dirigeant peuvent conduire au comblement du passif de la personne morale
L’action en comblement de passif – ou en comblement d’insuffisance d’actif – vise à obtenir la condamnation du Dirigeant d’une entreprise défaillante au paiement, sur ses deniers personnels, des dettes de la personne morale.
Cette action est expressément visée par l’article L651-2 du Code de commerce qui dispose dans son alinéa 1er, que « lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée ».
Ainsi, lorsque les tribunaux constatent qu’une faute est une faute de gestion et que celle-ci a contribué à l’existence d’un passif net, c’est-à-dire non compensable par de l’actif, le Dirigeant court le risque d’avoir à supporter personnellement les dettes de l’entreprise.
Pour mémoire, l’insuffisance d’actif est caractérisée dès lors que le passif admis de l’entreprise est, au terme des opérations liquidatives, supérieur à l’actif réalisé.
La faute de gestion supplante quant à elle la simple faute. La qualification d’une faute en faute de gestion relève de l’appréciation des Tribunaux même si aujourd’hui la jurisprudence en la matière est suffisamment établie pour qualifier assez précisément les comportements fautifs.
Une procédure collective antérieure à la liquidation n’exonère pas le Dirigeant de ses responsabilités
La société Phone a été mise en redressement judiciaire le 23 juin 2010 et un plan de redressement a été arrêté le 20 avril 2011.
Par jugement en date du 3 juillet 2013, le Tribunal de Commerce a prononcé la résolution du plan de redressement et a ouvert une liquidation judiciaire.
Dans le cadre des opérations liquidatives, le mandataire liquidateur a assigné, le Dirigeant de l’entreprise Phone, en responsabilité pour insuffisance d’actif.
La Cour d’Appel d’Amiens, dans un arrêt du 22 mars 2018, a condamné l’ancien Dirigeant de la société Phone à combler personnellement le passif à hauteur de 240.000 euros au titre d’un ensemble de faute de gestion intervenues postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire de l’entreprise.
La Cour de cassation confirme l’arrêt rendu par la Cour d’appel : les fautes de gestion commises par un Dirigeant postérieurement à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire sont susceptibles d’engager sa responsabilité en comblement de passif.
La Cour de Cassation confirme, dans un attendu parfaitement intelligible, que « la faute de gestion visée par l’article L651-2 du code de commerce doit avoir été commise avant l’ouverture de la liquidation judiciaire qui autorise l’exercice de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ; qu’après avoir relevé qu’un jugement du 3 juillet 2013 avait constaté un nouvel état de cessation des paiements de la société Phone, prononcé la résolution de son plan de redressement et ouvert sa liquidation judiciaire, l’arrêt retient exactement que ni le jugement ouvrant le redressement judiciaire, ni celui arrêtant le plan de redressement n’exonèrent le dirigeant social de sa responsabilité et que les fautes de gestion commises pendant la période d’observation du redressement judiciaire, comme pendant l’exécution du plan, peuvent être prises en considération pour fonder l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif dès lors qu’elles sont antérieures au jugement de liquidation judiciaire ».
La haute juridiction s’inscrit dans la continuité de sa jurisprudence antérieure.