Le régime fiscal des rémunérations de l’associé d’une société d’exercice libéral (SEL) : une fenêtre pour panacher sa déclaration ?

Publié le 7 Mar, 2023

Le 15 décembre 2022, l’Administration a modifié sa position concernant l’imposition des rémunérations des associés de SEL.

Cette nouvelle doctrine est de nature à ouvrir la discussion sur la fiscalité des professions réglementées imposées dans les bénéfices non-commerciaux (BNC).

Une longue réticence de l’Administration

La réponse ministérielle dite “Cousin” de 1996 avait lancé le débat. Il était possible de traiter fiscalement différemment les rémunérations de l’associé d’une SEL. La différence tenait au fait qu’elles étaient liées :

  • Soit à leur fonction de direction ;
  • Soit à leur activité au sein de ladite société.

Il était ici question du champ d’application de l’article 62 du CGI. C’est cet article qui prévoit le traitement fiscal des revenus perçus par les catégories de dirigeants.

La doctrine fiscale avait suivi. D’une part, les rémunérations des associés de SEL exerçant une activité libérale au sein de la société étaient imposées dans la catégorie des traitement et salaires. D’autre part, avec une société assujettie à l’impôt sur les sociétés, ce sont les dispositions de l’article 62 du CGI qui s’appliquent.

Mais cette position a été battue en brèche par le Conseil d’État par deux décisions de 2013 et de 2017. Les rémunération des associés de SEL exerçant une activité libérale au sein de la société devaient être imposées dans la catégorie des BNC. Seule pouvait faire exception à ce principe l’existence d’un lien de subordination. Il fallait donc prouver que l’activité professionnelle se fait dans un cadre salarié pour écarter la catégorisation dans les BNC.

Pour se conformer à la jurisprudence du Conseil d’État, l’Administration a mis à jour sa doctrine fiscale le 15 décembre 2022.

La position nouvelle de l’Administration

À compter du 1er janvier 2023, les rémunérations perçues au titre de l’exercice de l’activité libérale au sein de la SEL seront imposées dans la catégorie des BNC. Ce sera ici, une application conforme à l’article 92 du CGI, sauf à démontrer un lien de subordination.

Rappel : l’article 92 du CGI permet de soumettre à l’impôt sur le revenu, au titre des bénéfices non commerciaux, tous les bénéfices ou profits provenant d’occupations ou d’opérations lucratives à la condition que les sommes perçues ne soient pas rattachables à une autre catégorie de revenus

Les rémunérations perçues au titre des fonctions de direction seront quant à elles imposées différemment. Il faudra ainsi toujours distinguer si le dirigeant est qualifié juridiquement de minoritaire ou majoritaire.

Les rémunérations seront imposées conformément à l’article 80 du CGI si l’associé est dirigeant minoritaire. C’est à dire dans la catégorie des traitements et salaires.

À l’inverse, sa rémunération est imposée selon les dispositions de l’article 62 du CGI s’il est dirigeant majoritaire,. C’est à dire celle qui correspond au traitement fiscal des revenus perçus par les catégories de dirigeants.

Un nouveau principe…

Ainsi, par principe, à partir des revenus de 2023, les associés de SEL percevant une rémunération dite “technique” seront imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC). Ce ne sont plus les règles prévues en matière de traitement et salaires ou de l’article 62 du CGI qui s’appliqueront.

NB : face aux protestations de certaines professions réglementées concernées par cette modification, dans une publication du 5 janvier 2023, l’Administration laisse au contribuable n’étant pas en mesure de se conformer au régime d’imposition des BNC un délai jusqu’au 31 décembre 2023 et donc lui permettre de conserver le régime antérieur à sa doctrine issue de sa publication du 15 décembre 2022.

Cette nouvelle doctrine apparaît très importante. Elle est à pendre en considération dans le cadre des stratégies et des arbitrages à opérer lors de la structuration et des déclarations de revenus des associés de SEL.

Il peut apparaître opportun d’étudier l’intérêt fiscal de bien définir une répartition de la rémunération dite “technique” de celle perçue pour les fonctions de direction.

… Pour de nouvelles perspectives

En effet, de cette manière l’associé de SEL pourrait bénéficier du régime des BNC. Incidemment il pourra envisager d’utiliser le “régime micro-BNC” sur une fraction de sa rémunération globale. Sur l’autre fraction, s’il est majoritaire, ce sera l’article 62 du CGI. À l’inverse en tant que minoritaire ce sera la catégorie des traitements et salaires qui sera renseignée.

Cette nouvelle doctrine risque aussi de relever us l’intérêt de réaliser une simulation fiscale de l’imposition à venir. Grâce à un travail réalisé par un avocat fiscaliste, cet associé sera en pleine connaissance des choix déclaratifs à réaliser. L’associé sera aussi d’autant plus serein dans la perception de sa ou ses rémunérations selon la stratégie adoptée.

Allons plus loin. Cette stratégie de panachage de la rémunération est à coupler avec le conseil fiscal sur un montage en holding. Une puissante structuration pour les associés de SEL peut donc s’envisager.

Les professions réglementées sont ainsi à même de performer sur l’optimisation fiscale des fruits issus de leur activité. D’autant qu’il faut admettre que c’est bien légitime pour des professionnels qui jonglent constamment entre leurs fonctions de dirigeant et leurs activités de praticiens.

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