La réparation des préjudices nés d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est en principe forfaitaire. En conséquence de ce principe, la victime et ses ayants droits ne disposent pas d’un droit à recours contre l’employeur ou ses préposés. L’indemnisation est fixée selon les règles édictées par le livre IV du Code de la sécurité sociale.
Ce principe souffre toutefois de plusieurs exceptions comme lors d’un accident de trajet ou lors d’un accident du travail impliquant l’application de la loi Badinter sur les accidents de la circulation.
C’est également le cas en cas de faute inexcusable ou intentionnelle de l’employeur.
Cet article clos nos publications pédagogiques sur la thématique des AT / MP. Nous vous invitons à consulter nos précédents articles :
Comprendre les notions d’accident du travail et d’accident de trajet
Accident du travail : une procédure de reconnaissance quasi millimétrée
Maladie professionnelle : comprendre les contours de la notion
Reconnaissance des maladies professionnelles : la procédure expliquée
La couverture indemnitaire du livre IV du Code de la sécurité sociale
L’indemnisation de la victime d’un AT / MP est, en principe, encadrée par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale.
Le salarié victime d’un AT / MP bénéficie d’abord de prestations en nature sans ticket modérateur, comme la couverture de frais médicaux, la prise en charge des frais de prothèses, de frais de transports…
Au-delà de ces prestations en nature, la victime bénéficiera de prestations en espèces par la perception d’indemnités journalières en cas d’une incapacité temporaire de travail et d’un capital ou d’une rente selon l’importance de son incapacité permanente (IPP).
Les indemnités journalières AT / MP en cas d’incapacité temporaire
Le régime des indemnités journalières en cas d’AT / MP est plus favorable que le régime de droit commun. Ainsi, lors d’une incapacité temporaire de travail médicalement constatée, le salarié victime percevra des indemnités journalières égales à 60% du salaire journalier de base pour les 28 premiers jours (le 28ème jour est inclus) et 80% de ce salaire au-delà de 28 jours.
Le capital ou la rente en cas d’incapacité permanente
Le salarié en situation d’incapacité permanente bénéficiera soit d’une indemnité sous forme de capital lorsque son IPP est inférieur à 10% et une indemnisation sous forme de rente viagère lorsque son IPP est supérieure ou égale à 10%.
L’indemnisation en capital est calculée selon un barème établi à l’article D434-1 du Code de la sécurité sociale. Le montant de l’indemnisation est grossièrement compris entre 400 euros (IPP de 1) et un peu plus de 4000 euros (IPP de 9).
L’indemnisation sous forme de rente, lorsque l’IPP est supérieure à 10%, est établie par application d’un taux d’incapacité retraité à un salaire annuel également retraité.
Le retraitement du taux d’incapacité retenu par la caisse amène à une diminution de moitié de la fraction inférieure à 50% et une augmentation de moitié de la fraction supérieure à 50% (par exemple, un taux réel de 70 amène à un taux utile de (50 / 2) + (20 * 1,5) soit 55).
Le retraitement du salaire annuel amène à moduler la rémunération effective perçue par la victime sur les 12 mois ayant précédé l’arrêt de travail selon que cette rémunération excède ou non le double du salaire minimum légal. En deçà de ce salaire de référence, la rémunération n’est pas retraitée. Le salaire minimum légal constitue d’ailleurs un plancher. Au-delà du salaire de référence, la fraction excédentaire est prise en compte dans la limite du tiers. La fraction excédent 8 fois le montant du salaire minimum n’est pas prise en compte.
L’indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable
Le code de la sécurité sociale octroie un droit à indemnisation complémentaire en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Qu’est-ce qu’une faute inexcusable ?
La faute inexcusable est reconnue lorsque l’employeur manque à son obligation de sécurité et de protection de la santé dès lors qu’il avait conscience du danger ou aurait dû avoir conscience du danger et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver son personnel. Cette définition a été consacrée par les arrêts amiante de la Cour de cassation en 2002 et la solution retenue en matière de maladie professionnelle a été étendue aux accidents du travail.
Quel est l’auteur de la faute inexcusable ?
L’auteur de la faute peut être l’employeur ou tout substitué de l’employeur. La notion de substitué est plus étroite que celle de préposé en ce qu’elle comprend seulement les personnes qui dirigent l’exécution du travail ou exercent un pouvoir de contrôle et de surveillance.
Qui doit apporter la preuve de faute inexcusable de l’employeur ?
La preuve de la faute inexcusable repose sur le salarié sauf dans deux cas précis.
Le premier cas, visé à l’article L4131-4 du Code du travail, concerne les situations où le risque matérialisé avait fait l’objet d’un signalement par les salariés ou les représentants du personnel.
Dans une telle situation, la faute inexcusable de l’employeur est présumée de manière irréfragable. L’employeur ne peut donc pas apporter la preuve contraire.
Le second cas, visé à l’article L4154-3 du Code du travail, concerne les victimes d’un AT / MP en CDD, sous contrat temporaire et ou en stage qui seraient affectées à des postes présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité et.
Dans une telle situation, la faute inexcusable de l’employeur est présumée de manière simple : l’employeur pouvant toujours dégager sa responsabilité en apportant la preuve que la victime avait bénéficié d’une formation à la sécurité renforcée telle que prévue à l’article L4154-2 du Code du travail.
Comment obtenir la reconnaissance d’une faute inexcusable ?
La victime ou ses ayants droits doit demander la reconnaissance de la faute inexcusable et la fixation des conséquences y attachées à la caisse. Il s’agit d’une phase préalable amiable nécessaire.
L’employeur contestera utilement l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie professionnelle y compris lorsque la décision de prise en charge par la caisse aurait un caractère définitif.
Ce n’est qu’à défaut d’accord sur le principe de la faute et ses conséquences que le Tribunal judiciaire pourra être saisi.
Bon à savoir : en matière de faute inexcusable, le pénal tient le civil en l’état en cas de reconnaissance d’une faute pénale. La relaxe pénale n’a pas d’incidence sur la possibilité pour la victime de l’AT / MP de voir la responsabilité civile de l’employeur retenue par ailleurs.
Quelle réparation attendre ?
La reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur permet à la victime de déroger au principe forfaitaire de l’indemnisation en matière d’AT / MP. La victime ne bénéficie pas pour autant d’un droit à réparation intégrale.
La victime pourra d’abord obtenir une majoration de la rente viagère dans la limite de son salaire annuel.
Elle pourra également bénéficier d’une indemnisation forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidationlorsque son IPP est de 100%.
Encore, elle pourra obtenir réparation d’un certain nombre de postes de préjudices dès lors qu’ils ne sont pas réparés par l’indemnisation versée dans le cadre du livre IV du code de la sécurité sociale :
- Le préjudice causé par les souffrances physiques et morales
- Le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément
- Le préjudice résultant de la perte de chances professionnelles
Enfin, la victime pourra obtenir l’indemnisation des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale soit, notamment, la réparation du préjudice sexuel ou encore du préjudice d’établissement.
Qui verse l’indemnisation ?
L’indemnisation est assurée par la caisse qui doit faire l’avance des sommes. Elle exerce ensuite son action récursoire contre l’employeur.
Bon à savoir :
L’employeur peut être assuré en garantie de sa faute inexcusable. Cela permet aux employeurs d’encadrer un risque financier non négligeable.
L’indemnisation complémentaire en cas de faute intentionnelle
La faute intentionnelle de l’employeur permet à la victime d’obtenir réparation sur le fondement du droit commun de la responsabilité. Le code civil prévoit en effet que l’employeur est civilement responsable du fait de ses préposés.
En cas de faute intentionnelle de l’employeur ou de l’un de ses préposés, la victime peut demander réparation à l’employeur.
La faute intentionnelle suppose toutefois l’existence d’un acte volontaire accompli avec l’intention de causer des lésions corporelles. Cela vise tout particulièrement les violences volontaires entre préposés.
La victime d’une faute intentionnelle a au moins autant de droit à réparation que la victime d’une faute inexcusable. La caisse sera également tenue à l’avance des sommes à charge pour elle de se retourner contre l’employeur.
Vous êtes victime d’un accident du travail ? Vous êtes l’employeur d’un salarié déclarant avoir été victime d’un accident du travail ? Nous sommes là pour répondre à vos questions.
Nous intervenons en effet, au côté des employeurs et des salariés, dans le cadre de procédures en reconnaissance ou en contestation des AT / MP.