Le salaire de base en espèce constitue le socle de la rémunération des salariés (relire notre article Comprendre la notion de salaire pour un pilotage d’entreprise efficace). Ce salaire, qui devra être fixé dans le respect des grands principes applicables en matière de fixation du salaire (relire notre article Connaissez-vous les grands principes de fixation du salaire ?), pourra toutefois intégrer une touche de flexibilité dans l’intérêt du salarié mais également dans celui de l’entreprise. Le salarié y verra la juste rétribution de son implication dans le développement de l’entreprise. Celle-ci y verra tout à la fois un outil de motivation de ses salariés, d’augmentation de leurs performances et d’indexation à la volatilité de ses résultats. Il existe schématiquement deux leviers pour flexibiliser le salaire de base en espèce. Le premier consiste à scinder le salaire de base en deux avec d’un côté une partie fixe et de l’autre une partie variable. Le second consiste à recourir aux heures supplémentaires ou complémentaires. Comment mettre en œuvre efficacement ces deux leviers ? Lire la suite de cet article « Ajouter de la flexibilité au salaire de base en espèce (2/2) : recourir aux heures supplémentaires »
Étape n°1 : élaborer son modèle de variabilité
Le modèle de variabilité doit répondre à une finalité pour l’entreprise.
Tout chef d’entreprise, responsable des ressources humaines ou responsable administratif et financier comprend l’intérêt d’introduire de la flexibilité dans la politique des rémunérations de l’entreprise.
Pour autant, les objectifs poursuivis par les uns ne seront pas nécessairement ceux poursuivis par les autres. Parfois, ces objectifs se rejoindront mais parfois ils s’opposeront.
Introduire de la flexibilité nécessite donc un travail liminaire de modélisation conforme aux multiples intérêts de l’entreprise.
Le premier travail à réaliser consiste à identifier les différents objectifs poursuivis, procéder à un réel arbitrage entre ceux-ci pour enfin définir une finalité conforme aux enjeux de l’entreprise. Parfois cette finalité sera strictement RH, pour accentuer la marque employeur ou attirer des talents sans disposer d’une marge de manœuvre financière suffisante. Parfois, elle sera seulement financière pour répondre à des objectifs strictement budgétaires. Mais le plus souvent la finalité sera mixte et répondra au juste équilibre entre les objectifs RH et les objectifs financiers de l’entreprise (relire notre article Et si vous preniez la résolution de performer sur les rémunérations ?).
La modélisation de la variabilité est une étape indispensable à l’élaboration d’une structure de rémunération équilibrée efficace et adaptée à l’entreprise. C’est pourquoi les missions qui nous sont confiées sont systématiquement engagées par un audit préalable de l’entreprise via notamment des interventions auprès de l’ensemble de ses départements clés (RH, financier, production…). Cet audit préalable permet de recueillir les objectifs de chacun, les confronter et identifier les grands axes de structuration qui doivent présider nos réflexions et les actions à mettre en œuvre.
Le modèle de variabilité doit ensuite être construit autour de sous-jacents clairement identifiés
Il existe de nombreux modèles pour mettre en place un système de salaire variable : salaire sur commission, salaire sur objectifs, salaire sur rendement…
Chacun de ces modèles est construit autour de sous-jacents différents : volume de vente, objectif spécifique à atteindre comme un objectif de chiffre d’affaires, de résultat etc.
Les parties jouissent d’une importante liberté pour fixer l’assiette du salaire variable. Les sous-jacents ne seraient presque limités que par l’imagination de celui qui les fixe s’il n’existait pas quelques règles fondamentales à respecter.
Un modèle 100 % variable ?
Tout d’abord, et contrairement à une idée reçue, le salaire de base en espèce peut être intégralement variable. Autrement dit, il n’est pas imposé que le salaire de base du salarié soit constitué d’une partie fixe.
Bien évidemment, la mise en place d’un modèle 100% variable devra être conforme aux grands principes de fixation du salaire notamment en ce qui concerne le respect du salaire minimum légal. La mise en œuvre sera donc périlleuse et méritera un suivi exemplaire.
Il faudra également porter une attention toute particulière à la convention collective car certaines en écartent la faisabilité.
Étape n°2 : confronter le modèle choisi aux règles applicables
Le modèle de variation du salaire devra d’abord respecter les grands principes de fixation du salaire et plus particulièrement la règle relative au salaire minimum.
Il est évident qu’un salarié ne pourra, sous couvert d’une variabilité de son salaire, percevoir en deçà des minimas légaux et conventionnels.
La Cour de cassation a par ailleurs, au fil de ses jurisprudences, apporté des précisions quant à la validité des clauses de variation de salaire.
Ainsi, le modèle arrêté devra être fondé sur des sous-jacents objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur.
Le salarié ne devra pas non plus supporter le risque d’entreprise dont la charge pèse sur le chef d’entreprise, ses associés ou actionnaires.
Les sous-jacents devront également être réalistes et réalisables. En ce sens, des objectifs déconnectés de la réalité de marché de l’entreprise, de la compétence du salarié ou encore des moyens qui lui sont alloués ne pourraient être considérés comme satisfaisants en cas de contentieux.
Les sous-jacents devront encore être facilement vérifiables afin que le salarié ne soit pas trompé sur le calcul de sa rémunération variable.
Au-delà, la Cour de cassation a pu également rappeler que la variabilité ne doit pas permettre à l’employeur d’infliger une amende ou une sanction pécuniaire prohibée au salarié, pousser ce dernier à un comportement dangereux pour la sécurité, ou encore porter atteinte au droit des salariés protégés du fait d’un mandat de représentation du personnel.
La Cour de cassation considère toutefois que les objectifs retenus pour le calcul de la rémunération variable du salarié peuvent être définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Autrement dit, il est parfaitement possible pour l’employeur de fixer une clause de salaire sur des objectifs non précisés, qui pourront être définis ultérieurement suivant le contexte de l’entreprise.
La construction d’un modèle de rémunération variable valide nécessite une réelle expertise et une actualisation constante de l’état du droit. Les contentieux relatifs aux clauses de salaire variable et leurs modalités de mise en œuvre sont fréquents et rapidement couteux pour l’entreprise.
Étape n°3 : contractualiser le variable
Le salaire, qu’il soit en espèce ou en nature, de base ou accessoire, constitue l’un des piliers de la relation contractuelle qui lie le salarié à son employeur.
Le salaire ne peut pas être modifié sans l’accord du salarié. Cette exigence s’impose qu’il s’agisse d’une modification portant sur le montant ou la structure du salaire versé (pour un exemple, lire notre article Un véhicule de fonction constitue un avantage en nature qui ne peut être retiré unilatéralement par l’employeur – la brève).
Il est dès lors indispensable, pour limiter les contentieux autour de la modification unilatérale du salaire, de définir au terme d’un document contractuel les conditions d’octroi du salaire variable.
Pour autant, en pratique, il peut parfois ne pas être opportun de ne pas être jusqu’au-boutiste dans la contractualisation du variable.
Pour mémoire la Cour de cassation autorise de prévoir une rémunération variable basée suivant des objectifs déterminés unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction.
La Cour de cassation a d’ailleurs pu juger que « lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier sans l’accord de son salarié dès lors qu’ils sont réalisables et qu’ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d’exercice ».
Le rédacteur des clauses de salaire variable sera bien avisé de formaliser une clause stipulant que les objectifs seront fixés par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction. Une omission, ou pire une contradiction, pourrait venir anéantir le pouvoir reconnu à l’employeur.
Étape n°4 : rendre le dispositif transparent pour le salarié
La flexibilité de la rémunération du salarié doit répondre à une finalité donnant-donnant.
Le salarié doit effectivement adhérer à l’idée que son salaire fixe soit réduit – voir à l’extrême porté à zéro – et pour cela, il doit être en mesure d’identifier son intérêt.
La transparence de la variabilité s’impose alors comme une évidence pour garantir l’efficacité du dispositif mis en place.
Au-delà, la Cour de cassation impose à l’employeur une obligation de transparence dans le calcul de la rémunération variable.
L’une des règles imposées par la Cour de cassation et évoquée plus en amont tient dans la faculté pour le salarié de pouvoir facilement vérifier que les sous-jacents du salaire variable sont correctement mis en œuvre.
L’employeur est alors obligé à mettre à disposition les éléments d’information nécessaires au calcul de son variable : états comptables, suivi des ventes etc.
Étape n°5 : faire vivre le modèle de variabilité
La cinquième et dernière étape relève de l’évidence : le modèle de variabilité ne doit pas être figé mais dynamique.
Les sous-jacents doivent être réactualisés régulièrement afin de tenir compte des réalités de l’entreprise.
La réactualisation sera d’abord favorable à l’entreprise qui adaptera sa politique de rémunération à l’évolution de son contexte et qui, par un effort de pédagogie auprès de ses salariés, accordera de l’importance au dialogue social et préservera la paix sociale.
La réactualisation des sous-jacents préservera également l’entreprise des contentieux. Le salaire variable doit en effet être déterminé suivant des éléments cohérents, objectifs, réalistes et réalisables. Imaginons que l’entreprise subisse un bouleversement de marché anéantissant totalement la possibilité pour le salarié d’atteindre ses objectifs tels que fixés contractuellement. Le salarié serait nécessairement privé d’une partie de son salaire, celui-ci devant exclusivement ou presque constitué de sa part fixe.
Les 5 étapes qui précèdent devront être systématiquement respectées lors de la mise en place d’un dispositif de variabilité du salaire.
Une approche pluridisciplinaire, mêlant RH, financier, gestion et juridique s’imposera pour établir un modèle cohérent et respectueux des intérêts de l’entreprise.
Strategia Avocats a acquis et développé des compétences fortes en matière d’optimisation d’entreprises et plus spécifiquement en matière d’optimisation des rémunérations afin de proposer à ses clients un pilotage efficace de leurs systèmes de rémunérations.