Les accidents du travail, les accidents de trajet et les maladies professionnelles font l’objet de règles spécifiques plus connues sous la terminologie de « règlementation AT / MP ».
Les règles AT / MP, pour l’essentielles fixées par le livre IV du Code de la sécurité sociale, dérogent à celles édictées par le droit commun de la responsabilité et de l’indemnisation.
Une victime doit, selon le droit général de la réparation, démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi.
La victime est intégralement indemnisée. Ni plus, ni moins.
Le droit spécial des AT / MP s’affranchit presque complètement de ces règles générales.
C’est ainsi que le salarié, victime d’un accident ou d’une maladie professionnelle, profitera d’une réparation automatique sans avoir à établir la faute de l’employeur par le truchement d’une présomption d’imputabilité du dommage subi à l’activité salariée.
En contrepartie, l’indemnisation du salarié sera forfaitaire et l’employeur jouira d’une quasi-immunité civile.
Notre présentation du régime des AT / MP s’inscrit dans la lignée de nos précédentes publications à visée pédagogique.
La première partie – cet article –vous permettra de comprendre la notion d’accident du travail et de comprendre la notion d’accident de trajet, préalable nécessaire pour appréhender le régime procédural.
La suite de nos publications portera sur la procédure de déclaration d’un accident du travail, la notion et le régime procédural des maladies professionnelles, sur les modalités de réparation des préjudices subis et sur les recours spécifiques à la matière des AT / MP.
Comprendre la notion d’accident du travail
L’article L411-1 du Code de la sécurité sociale pose les bases de la définition de l’accident du travail. L’accident du travail est celui qui survient « par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
Cette définition est en réalité très insuffisante et la jurisprudence a précisé les contours de la notion.
Un accident du travail suppose d’abord l’existence…d’un accident
Pour caractériser un accident du travail, il faudra d’abord déterminer l’existence d’un accident. Pour cela, la victime devra apporter la preuve d’un fait générateur et d’un dommage, l’un ou l’autre devant être soudain.
La victime doit d’abord établir l’existence d’un fait générateur.
Le salarié doit rapporter la preuve de la matérialité de l’accident. Autrement formulé, le salarié doit répondre à la question suivante : que s’est-il passé ?
Lorsque le fait générateur est objectif, comme lors d’une blessure résultant de l’usage d’une machine, l’histoire sera simple à raconter.
Par contre, lorsque le fait générateur est subjectif, comme lors d’une altercation dans le cadre d’un entretien d’évaluation, le salarié devra veiller à confirmer son histoire. Le salarié devra alors confirmer son histoire en la complétant d’éléments objectifs, comme la preuve de l’entretien ou encore des témoignages concordants.
La victime doit ensuite démontrer avoir subi un dommage et apporter la preuve d’une lésion.
Cette lésion pourra être corporelle ou psychologique, interne ou externe, importante ou non.
En toute hypothèse, la victime doit faire constater médicalement l’existence de la lésion.
L’employeur ou la caisse pourront toujours renverser la présomption d’imputabilité en apportant la preuve que la lésion résulte d’un état pathologique préexistant. Les contestations médicales sont pour l’heure – et encore jusqu’en 2022 – réglées par le biais d’une procédure d’expertise médicale spécifique. Cette procédure est supprimée à compter du 1er janvier 2022. Les Commissions médicales de recours amiable (CMRA) deviennent compétentes pour traiter ces contestations.
Enfin, la victime doit justifier une survenance soudaine.
Il s’agit là de la clé de répartition entre les accidents d’une part et la maladie d’autre part.
La jurisprudence montre tout de même une certaine flexibilité dans l’appréciation de la soudaineté. Les Tribunaux tiendront compte des circonstances de l’espèce si bien qu’en pratique, le critère de soudaineté s’appréciera tantôt à travers la soudaineté du fait générateur de l’accident, tantôt à travers la soudaineté de l’apparition de la lésion.
Un accident du travail suppose ensuite l’existence d’un accident de nature professionnelle
Pour mémoire, l’article L411-1 du Code de la sécurité sociale précise que l’accident doit survenir « par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise ».
Les grandes lignes fixées par les Tribunaux
Les Tribunaux admettent de longue date qu’un accident arrivé au temps et au lieu de travail doit être considéré comme survenu à l’occasion du travail.
Pour la Cour de cassation, le salarié est au temps et au lieu de travail dès lors qu’il est soumis à l’autorité et à la surveillance de son employeur.
L’apparente simplicité de cette définition ne trompera toutefois pas les praticiens de la matière qui savent pertinemment que seules les décisions déjà rendues par les Tribunaux, disposant d’un fort pouvoir d’appréciation, permettent d’appréhender si dans une situation donnée, un salarié est considéré comme étant soumis à l’autorité et à la surveillance de son employeur.
C’est ainsi, s’agissant du temps de travail, que les Tribunaux considèrent qu’un accident survenu en dehors des heures de travail du salarié ne fait pas nécessairement obstacle la nature professionnelle de l’accident. Les Tribunaux veillent tout de même à caractériser un lien, même indirect, avec l’activité professionnelle.
Encore, les Tribunaux montrent une appréciation extensive du lieu de travail, qui ne sera pas seulement le lieu où s’effectue le travail mais bien l’ensemble des lieux où l’employeur exerce son contrôle et sa surveillance.
Quelques exemples de difficultés rencontrées
La nature professionnelle de l’accident s’avère particulièrement difficile à apprécier lorsque le salarié en mission est hors des murs de l’entreprise et, échappe, a priori, au contrôle et à la surveillance de l’employeur.
Les Tribunaux se montrent généralement sévères pour les employeurs si bien que des situations de prime abord relevant d’un cadre privé ont pu être rattachées à l’activité professionnelle.
Les Tribunaux admettent qu’un salarié reste soumis à l’autorité et à la surveillance de son employeur lorsque l’accident survient à l’occasion d’un acte professionnel mais aussi lors d’un acte de la vie courante pour peu que celui-ci soit accompli dans un contexte professionnel.
C’est ainsi que dans une affaire souvent évoquée, la Cour d’appel de Paris a récemment considéré qu’un salarié en mission, décédé lors d’un rapport sexuel hors de sa chambre d’hôtel, s’adonnait à un acte de la vie courante. L’employeur n’a pas apporté la preuve que la mission du salarié était interrompue pour un motif personnel.
La Cour a considéré que le salarié ne s’était pas placé hors de la sphère de l’autorité de l’employeur.
A noter : l’article L1222-9 du Code du travail dispose que « L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ».
Comprendre la notion d’accident de trajet
L’accident de trajet constitue un cas particulier d’accident du travail.
L’article L411-2 du Code de la sécurité sociale dispose que :
« Est également considéré comme accident du travail (…) l’accident survenu à un travailleur (…), pendant le trajet d’aller et de retour, entre :
1°) la résidence principale, une résidence secondaire présentant un caractère de stabilité ou tout autre lieu où le travailleur se rend de façon habituelle pour des motifs d’ordre familial et le lieu du travail. Ce trajet peut ne pas être le plus direct lorsque le détour effectué est rendu nécessaire dans le cadre d’un covoiturage régulier ;
2°) le lieu du travail et le restaurant, la cantine ou, d’une manière plus générale, le lieu où le travailleur prend habituellement ses repas, et dans la mesure où le parcours n’a pas été interrompu ou détourné pour un motif dicté par l’intérêt personnel et étranger aux nécessités essentielles de la vie courante ou indépendant de l’emploi ».
Emprunter un chemin pour aller d’un point A à un point B spécifiques
Le Code de la sécurité sociale détermine les points A et B qui permettent de déterminer les positions de départ et d’arrivée du trajet professionnel du salarié.
La constante sera le lieu de travail. Ce sera obligatoirement le point de départ ou le point d’arrivée du trajet.
L’autre extrémité du trajet sera la résidence principale, une résidence autre dès lors qu’elle est habituelle ou un lieu de restauration habituel.
Le trajet débutera dès que le salarié franchira le pas de la porte du lieu de travail, du lieu de résidence ou du lieu de restauration. La jurisprudence se montre là encore très protectrice des intérêts du salarié puisqu’elle admet qu’un accident survenu en dehors de l’appartement du salarié mais dans l’enceinte de son immeuble relève de la qualification d’accident de trajet emportant application du régime dérogatoire des accidents du travail.
Suivre un itinéraire normal, à des heures normales et sans l’interrompre
Il ne suffit toutefois pas que l’accident se produise sur le chemin du trajet professionnel pour que celui-ci soit qualifié d’accident de trajet et emporte la protection prévue par la règlementation AT / MP.
L’article L411-2 du Code de la sécurité sociale pose clairement les limites de la qualification en précisant que le parcours ne doit pas être interrompu ou détourné pour un motif personnel étranger à l’emploi ou qui ne serait pas nécessité par les besoins de la vie courante.
En d’autres termes, et en principe, l’itinéraire devra être direct, habituel et justifié par l’emploi ou un besoin de la vie courante. A défaut, le salarié doit en justifier les raisons.
Le texte du Code de la sécurité sociale laissant au juge un fort pouvoir d’appréciation, il est nécessaire, encore une fois, de s’appuyer sur les décisions déjà rendues par les Tribunaux pour apprécier les évènements et circonstances admises pour retenir ou rejeter la nature normale de l’itinéraire emprunté par le salarié.
En définitive, et malgré des définitions légales, la notion d’accident du travail à proprement parler et celle d’accident de trajet demeurent des notions aux contours globalement flous. La qualification d’un accident du travail ou de trajet suppose ainsi un travail liminaire d’actualisation jurisprudentielle.
Vous êtes victime d’un accident du travail ? Vous êtes l’employeur d’un salarié déclarant avoir été victime d’un accident du travail ? Nous sommes là pour répondre à vos questions.
Nous intervenons en effet, au côté des employeurs et des salariés, dans le cadre de procédures en reconnaissance ou en contestation des AT / MP.