La Cour administrative d’appel de Paris a rendu le 8 février 2022 un arrêt (CAA Paris 8-2-2022 n° 20PA03480B) confirmant la position connue de longue date de l’administration fiscale sur le régime d’imposition des revenus des associés-dirigeants des sociétés selon que la société est de plein droit assujettie à l’impôt sur les sociétés ou sur option expresse.
Une société ayant une activité commerciale est de plein droit assujettie à l’impôt sur les sociétés…
Les époux associés-gérants d’une société civile exerçant l’activité de holding dans le domaine hôtelier absorbe une de ses filiales et reprend également les conventions de prestations de services et d’assistance technique conclues antérieurement par sa filiale.
Se posait ainsi avant tout la question de savoir si l’activité de la holding était commerciale ou non. En effet, de cette réponse dépendra le régime à retenir pour les rémunérations des mandataires sociaux.
La Cour valide la position de l’administration fiscale ayant estimé que la holding exerçait une activité commerciale et donc qu’elle devait être soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés.
En effet, l’activité commerciale de la holding est caractérisée suivant l’opération d’absorption, par la poursuite des prestations de services et d’assistance techniques dans les matières commerciale, financière, administrative et comptable avec, en outre, mise à disposition d’important moyens humains et matériels.
Ici la Cour a retenu la qualification d’holding animatrice par un faisceau d’indices confirmant la « participation active à l’activité commerciale de ses filiales dans le but d’augmenter les profits réalisés ». La holding est en l’occurrence intervenue pour les approvisionnements et les achats de ses filiales, a mis à disposition six de ses salariés et ses deux co-gérants correspondant à une masse salariale de 269 296 € en 2013 et de 756 610 € en 2014. Par ailleurs, les prestations de service réalisées par la holding au profit de ses filiales ont représenté respectivement 12,02 % et 93 % de ses produits des exercices clos en 2013 et 2014.
C’est donc la commercialité (au sens de l’administration fiscale et selon les articles 34 et 35 du CGI) de la société qui est parfaitement recherchée et caractérisée par le juge administratif en l’espèce.
La Cour en déduit logiquement la conséquence que la société est de plein droit assujetti à l’impôt sur les sociétés et, dans ce cas, la rémunération versée à l’associé-gérant doit être soumise à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux selon la l’article 92 du CGI et la lecture de la doctrine administrative établie sur ce point.
“Sont considérés comme provenant de l’exercice d’une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n’ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus.”
Art. 92 du CGI
Or, le couple auteur de l’appel avait déclaré ses rémunérations de mandataires sociaux dans la catégorie des traitements et salaires.
…en conséquence, les rémunérations des dirigeants relèvent de la catégorie des bénéfices non-commerciaux
Par exception à l’intégration à la catégorie des bénéfices non commerciaux dite “balai”, la rémunération versée à l’associé-gérant d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés à la suite d’une option expresse est déductible de son résultat. Mais cela vient concerner, en particulier, le cas des sociétés qui ne sont pas de plein droit assujetties à l’impôt sur les sociétés.
« Les traitements, remboursements forfaitaires de frais et toutes autres rémunérations sont soumis à l’impôt sur le revenu au nom de leurs bénéficiaires s’ils sont admis en déduction des bénéfices soumis à l’impôt sur les sociétés par application de l’article 211, même si les résultats de l’exercice social sont déficitaires, lorsqu’ils sont alloués :
[…]
Aux associés en nom des sociétés de personnes, […] lorsque ces sociétés ou exploitations ont opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux.
Le montant imposable des rémunérations visées au premier alinéa est déterminé, après déduction des cotisations et primes mentionnées à l’article 154 bis, selon les règles prévues en matière de traitements et salaires. »
Art. 62 du CGI
Dans ce cas, l’associé-gérant devrait inscrire dans sa déclaration de revenu le montant de sa rémunération dans la catégorie des traitements et salaires selon les règles prévues à l’article 62 du CGI.
NB. : les règles en matière de traitements et salaires permettent à l’associé-gérant de choisir la déduction forfaitaire de 10% pour frais professionnel ou le régime des frais réels
Cependant, lorsqu’une société civile relève de plein droit de l’IS en raison de son objet, les rémunérations des associés ayant la qualité de gérants doivent, compte tenu de leur qualité de mandataires, être considérées comme des bénéfices non commerciaux selon l’article 92 du CGI. Est sans incidence sur l’imposition de la rémunération de l’associé-gérant dans la catégorie des bénéfices non commerciaux le fait que la société ait opté pour l’impôt sur les sociétés lors de sa constitution.
Ainsi, les rémunérations perçues par les époux en qualité de mandataires sociaux auraient dues être imposées dans la catégorie des bénéfices non commerciaux.
NB. : un point de vigilance est à garder en tête lorsqu’il est question de fixer le montant de la rémunération. Lorsqu’elle ne correspond pas à un travail effectif ou qu’elle excède la rétribution normale des fonctions exercées, la fraction de la rémunération considérée comme exagérée doit être réintégrée dans les bénéfices imposables de la société et taxée, par voie de conséquence, comme revenu mobilier entre les mains du bénéficiaire. La base d’imposition de ces rémunérations excessives est majorée de 25 %.
C’est donc malheureusement pour les requérants un redressement fiscal qui est confirmé par la Cour administrative de Paris. En la matière il convient donc d’être attentif aux conséquences pratiques de la constitution d’un montage par holding animatrice qui vient influencer la structure des rémunérations des associés-dirigeants et donc les déclarations de revenus corrélatives. Un accompagnement professionnel et sur le long terme est donc à privilégier pour éviter toutes déconvenues avec l’administration fiscales pouvant s’avérer couteuses.