La transmission d’entreprise constitue un défi majeur pour les dirigeants d’entreprises familiales. Pour alléger les droits de succession et de donation, le Pacte Dutreil est un dispositif incontournable, offrant une exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit. Lorsqu’il s’agit de structures plus complexes, telles que celles impliquant des sociétés interposées ou holdings, comprendre comment optimiser le Pacte Dutreil est nécessaire pour sécuriser les avantages fiscaux et garantir la continuité de l’entreprise.

Cet article détaille comment utiliser les sociétés interposées pour structurer un dispositif Dutreil, avec un focus sur les holdings passives et animatrices, les conditions de conservation et l’importance d’un accompagnement juridique.

Qu’est-ce qu’une société interposée dans le Pacte Dutreil ?

Une société interposée est une structure placée entre la société opérationnelle et les associés personnes physiques qui bénéficieraient de l’exonération du dispositif Dutreil. Ce type de gouvernance de manière centralisée, facilite la transmission et la sécurisation des exonérations fiscales dans le cadre du Pacte Dutreil. Son utilisation est soumise à des règles spécifiques, notamment en matière de conservation des titres, pour éviter la remise en cause des avantages fiscaux.

Le recours à une société interposée dans le cadre du Pacte Dutreil permet aux héritiers de bénéficier de l’exonération partielle des droits de mutation, à condition de respecter un certain nombre de critères spécifiques.

Une société interposée peut intervenir jusqu’à deux niveaux dans le dispositif Dutreil.

Les conditions essentielles pour bénéficier du Pacte Dutreil avec une société interposée

Pour qu’une société interposée puisse intégrer le dispositif Dutreil, certaines conditions doivent être remplies :

• Engagement collectif de conservation : Les signataires doivent s’engager à conserver les titres pendant une durée minimale de deux ans.
• Durée de détention post-transmission : Les héritiers ou donataires s’engagent à conserver les titres pendant quatre ans après la transmission.
• Fonction de direction : Un des héritiers ou donataires doit exercer une fonction de direction dans la société opérationnelle pendant toute la durée de l’engagement collectif.

Ces règles s’appliquent aussi bien aux titres de la société opérationnelle qu’à ceux de la société interposée, qu’il s’agisse d’une holding passive ou animatrice.

Application du Pacte Dutreil aux sociétés interposées : simple et double niveaux d’interposition

Dans le cadre du Pacte Dutreil, deux configurations sont possibles pour bénéficier de l’exonération fiscale :

• Un simple niveau d’interposition implique qu’une société interposée détient directement les titres de la société opérationnelle. Dans ce cas, le pacte Dutreil s’applique de manière directe, et l’engagement de conservation est signé par la société interposée pour les titres de la société opérationnelle.
• Un double niveau d’interposition est également permis, avec une holding de tête qui détient une seconde holding, cette dernière détenant la société opérationnelle. Dans cette structure, c’est la société interposée de premier niveau qui doit signer le pacte pour garantir l’exonération partielle. Au-delà de deux niveaux d’interposition, le Pacte Dutreil ne peut plus s’appliquer.

Conservation des participations : une condition incontournable

La stabilité des participations est essentielle dans le cadre du Pacte Dutreil pour éviter une remise en cause de l’exonération. Lorsqu’une ou plusieurs sociétés interposées sont impliquées, elles doivent conserver inchangée leur participation dans la société qu’elles détiennent (autre holding ou société opérationnelle). Toute modification dans la structure des participations pendant la période de conservation peut compromettre le dispositif.

Toutefois, une augmentation de participation par les sociétés interposées est permise sans annuler l’avantage fiscal, permettant ainsi une certaine flexibilité.

Différences entre holdings passives et animatrices dans le Pacte Dutreil

La nature de la société interposée influence également l’application du dispositif Dutreil. Deux cas sont à distinguer selon que la holding est passive ou animatrice.

Une holding passive ne participe pas activement à la gestion de la société opérationnelle. Dans ce cas, l’exonération partielle s’applique uniquement si le pacte de conservation est signé pour les titres de la société opérationnelle elle-même. Cette restriction s’explique par le fait que le Pacte Dutreil vise spécifiquement les sociétés exerçant une activité autre que civile, et une holding passive ne répond pas toujours à ce critère.

En revanche, une holding animatrice est une société interposée qui joue un rôle actif dans la gestion de la société opérationnelle, en assumant des fonctions stratégiques ou commerciales. La présence d’une holding animatrice permet de structurer un montage plus flexible, avec la possibilité de signer deux pactes :

• Un pacte sur les titres de la société opérationnelle.
• Un autre pacte sur les titres de la holding animatrice.

Ce type de montage est particulièrement pertinent lorsque le statut d’animation de la holding est incertain, offrant une alternative pour sécuriser l’exonération partielle même si le caractère animateur de la holding est contesté.

Cas particulier : l’engagement de conservation réputé acquis

Dans certains cas, l’engagement de conservation peut être réputé acquis, notamment en cas de décès d’un associé dirigeant ayant détenu les titres pendant au moins deux ans. Lorsque l’engagement est réputé acquis, une restriction s’applique : un seul niveau d’interposition est permis. Cela signifie qu’un montage avec double interposition n’est pas possible, et seule une société interposée directement liée à la société opérationnelle peut alors bénéficier du dispositif.

Étendre l’avantage fiscal à la holding de tête dans un cas de double interposition

Dans le cadre du Pacte Dutreil, il est possible d’étendre l’exonération partielle aux titres de la holding de tête, même si cette société n’est pas directement signataire de l’engagement de conservation, à condition que la société d’exploitation, soit effectivement soumise à cet engagement.

Autrement dit, pour bénéficier de l’exonération au niveau de la holding de tête, il est impératif que les titres de la société d’exploitation soient protégés par un engagement de conservation, ce qui reste la règle fondamentale.

En pratique, cela fonctionne à deux niveaux d’interposition, sous des conditions spécifiques. Dans le cas d’un simple niveau d’interposition, où la société interposée détient directement la société d’exploitation, l’exonération s’applique directement aux titres de la société interposée (holding) proportionnellement à la valeur de la participation de la société opérationnelle soumise à l’engagement.

Dans un double niveau d’interposition, la holding de tête peut aussi bénéficier de l’exonération partielle, mais celle-ci sera proportionnelle à la valeur vénale de la participation indirecte dans la société d’exploitation. Cette méthode permet à la holding de tête d’obtenir un allègement fiscal, bien que l’avantage soit atténué par le retranchement de la valeur vénale au niveau de chaque palier d’interposition.

Ce dispositif permet ainsi de « sauver » un montage complexe qui inclut une holding de tête, en préservant partiellement les avantages fiscaux de l’exonération du Pacte Dutreil, même si son efficacité peut être diminuée par la dilution de la valeur exonérée à chaque niveau.

L’Intérêt de l’accompagnement d’un avocat pour structurer un dispositif Dutreil avec sociétés interposées

La mise en place d’un montage Dutreil avec société interposée est une opération complexe, impliquant de nombreuses règles juridiques et fiscales. Passer par un avocat spécialisé en droit des affaires permet de sécuriser le montage, d’optimiser la transmission et de s’assurer que toutes les conditions d’exonération sont remplies.

Un avocat dans cette opération aide à :

• Formaliser les engagements de conservation et à éviter toute remise en cause de l’exonération,
• Adapter le type de holding aux objectifs patrimoniaux des dirigeants (passive ou animatrice),
• Superviser le respect des engagements de conservation, souvent critiques pour éviter les contentieux avec l’administration fiscale,
• Apporter les éléments de preuve nécessaires pour établir le statut d’animation de la holding le cas échéant, ou proposer des alternatives si ce statut est contesté,
• Anticiper les éventuelles modifications de structure pour maintenir la validité de l’exonération.

En somme, un accompagnement juridique garantit que le montage Dutreil est optimisé et sécurisé sur le long terme. Cela réduit les risques d’un rejet d’exonération, ce qui pourrait entraîner des coûts fiscaux élevés et compromettre la pérennité de l’entreprise.

Le Pacte Dutreil est un outil stratégique pour la transmission des entreprises familiales, et l’utilisation de sociétés interposées permet d’optimiser les effets de ce dispositif. Cependant, les critères d’éligibilité et les règles de conservation doivent être scrupuleusement respectés pour garantir l’exonération.

En conclusion, l’accompagnement d’un avocat spécialisé en droit des affaires est un atout précieux pour structurer un montage Dutreil conforme, en tenant compte des objectifs de transmission et des spécificités de chaque entreprise. Cet encadrement juridique permet d’optimiser la transmission patrimoniale et de préserver le patrimoine familial, en assurant une conformité stricte aux exigences légales et fiscales du dispositif Dutreil.