C’est la proposition de rectification qui délimite le litige fiscal. C’est elle qui permet au contribuable de se défendre, à tout le moins d’y répondre, voire d’accepter la proposition. Dès lors, la question de la notification de la proposition de rectification est cruciale.
Un arrêt du Conseil d’État en date du 12 juillet 2023 réaffirme une solution déjà posée en jurisprudence (Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 12/07/2023, 465351).
Une proposition de rectification notifiée à l’ancienne adresse du contribuable
Suivant examen contradictoire, l’administration fiscale a mis à la charge de contribuables des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux assortis de pénalités au titre des deux années vérifiées.
Saisi par les contribuables, le tribunal administratif a prononcé la décharge des suppléments d’impôts en litige. Confirmation en appel oblige, un pourvoi est réalisé.
La notification de la proposition de l’administration fiscale à une ancienne adresse des contribuables interrompt-elle la prescription ?
En effet, les contribuables ont porté à la connaissance de l’administration leur nouvelle adresse. Cela par un courrier en date du 1er décembre 2017, qui est eçu par l’administration fiscale au plus tard le 11 décembre 2017.
La cour ayant déduit de ces constations qu’à la date de présentation, le 12 décembre 2017, du pli recommandé contenant la proposition de rectification afférente à l’année 2014, la nouvelle adresse du contribuable était connue de l’administration.
De l’importance de la notification de la proposition de rectification
L’article L. 57 du livre des procédures fiscales (LPF) est fondamental.
Art. 57 LPF : “l’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation“.
La proposition de rectification comporte trois effets :
1) Interruption du cours de la prescription applicable au droit de reprise de l’administration ;
2) Ouverture du délai de réponse de 30 jours, prorogeable sur demande du contribuable ;
3) Fixation des limites de l’imposition à établir à l’issue de la procédure.
Ainsi, sa notification, au contribuable contrôlé est particulièrement importante.
En matière de prescription, c’est l’article L. 189 du LPF qui en fait état : “la prescription est interrompue par la notification d’une proposition de rectification“.
Par exemple, en matière de d’impôt sur les revenus, l’administration dispose d’un délai de reprise de trois ans. Ce délai existe pour permettre à l’administration de réparer les erreurs, insuffisances ou omissions commises dans l’établissement de l’impôt. L’administration doit notifier au contribuable une proposition de rectification avant l’expiration de ce délai.
De l’exigence d’une nouvelle notification
Comme rappelé par la doctrine administrative, il suffit que la proposition de rectification parvienne au redevable. C’est notamment par la poste ou par une remise en main propre que cela peut se faire.
Bon à savoir : la remise directe le 31 décembre interrompt valablement la prescription alors même que la notification par voie postale, effectuée parallèlement, serait parvenue tardivement. Par ailleurs, une proposition de rectification reçue avant l’expiration du délai de reprise interrompt valablement la prescription même si elle a été remplacée ensuite par une nouvelle proposition.
Or, dans l’hypothèse soumise au Conseil d’Etat, le contribuable a informé l’administration de son changement d’adresse. Il l’a fait par un courrier envoyé avant la date de présentation du pli contenant la proposition de rectification à la dernière adresse connue.
Alors, l’administration devait de nouveau notifier la proposition de rectification à la nouvelle adresse communiquée.
Seule exception à cette règle : le contribuable qui a eu connaissance (en temps utiles) de la proposition notifiée à l’ancienne adresse.
De l’absence d’effet interruptif
En cas de nouvelle notification de la proposition de rectification, quelle est alors la date d’interruption de la prescription ?
Le Conseil d’État répond que la nouvelle notification est sans incidence sur la date d’interruption de la prescription. Cette date est d’ailleurs celle de présentation du pli contenant la proposition de rectification à la dernière adresse connue à la date d’envoi du pli.
C’est ici la raison pour laquelle a été cassé l’arrêt.
La cour d’appel s’est placée à la date de présentation du pli contenant la proposition de rectification.
Au contraire, elle aurait du se placer à la date d’envoi du pli pour déterminer la dernière adresse connue de l’administration fiscale. C’est ainsi qu’elle aurait pu apprécier si l’exercice du droit de reprise était prescrit.
Si l’administration fiscale doit procéder à un nouvel envoi de la proposition de rectification pour n’avoir eu connaissance de la nouvelle adresse du contribuable qu’après le premier envoi, celui-ci reste néanmoins interruptif de prescription.
Bon à savoir : la proposition de rectification n’a d’effet interruptif qu’au regard des impôts qui y sont visés et qu’à l’encontre, en principe, du contribuable qui en est le destinataire.
Remarquons que cette solution reste cohérente par rapport à la jurisprudence déjà établie par la haute juridiction : la date d’interruption de la prescription est celle de la présentation du pli contenant la proposition de rectification à l’adresse du contribuable (CE, 3e et 8e ss-sect., 14 oct. 2015, n° 378503, min. c/ Brochet). Peu importe que ce dernier ait été présent ou absent.
Ainsi, seule compte la date de présentation du pli au domicile (connu).Contradictoire oblige, seule une nouvelle notification est exigée, si et seulement le contribuable n’avait pas eu connaissance (en temps utile) de la proposition notifiée à son ancienne adresse.