La cour de cassation a rendu le 1er juin 2023 une décision éclairante quant à l’importance de la qualification précise de l’activité d’une société pour déterminer l’égibilité de la donation de titre à l’exonération Dutreil. L’enjeu était de taille: il était question de l’applicabilité de l’exonération de 75% sur le montant des droits de mutation.
Le contexte
Un couple de contribuables a réalisé des donations-partages de titres sociaux de plusieurs sociétés, visant la transmissions d’entreprises à leurs quatre enfants. Les opérations avaient aussi pour objectif à bénéficier de l’exonération partielle prévue par l’article 787 B du code général des impôts (le régime Dutreil ou le pacte Dutreil, soit les 75% d’exonération).
Le 4 décembre 2013, l’administration fiscale a remis en question l’activité commerciale des sociétés concernées qui avait fondé l’exonération partielle déclarée par les contribuables.
Portant l’affaire devant la Cour de cassation, les contribuables argumentent que l’activité de location équipée était de nature commerciale. L’exonération partielle ne pouvait être refusée.
Réponse de la Cour : La Cour casse et annule l’arrêt sur le fondement des articles 35, I, 5° et 787 B du code général des impôts. En effet, la Cour reproche à la cour d’appel de ne pas avoir déterminé si, à la date des donations-partage, la société objet de la question exerçait une activité de loueur d’établissements commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires, pouvant rendre éligible la transmission des parts de cette société au régime de faveur de l’article 787 B du code général des impôts.
Nature de l’activité et impact sur l’éligibilité au dispositif Dutreil
Une qualification précise de l’activité est incontournable pour déterminer si une société peut se prévaloir du régime Dutreil.
L’activité ne peut être de nature civile.
Seules les activités industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales sont éligibles. En effet, l’administration rappelle que pour bénéficier de l’exonération, seules les parts ou actions de sociétés exerçant des activités industrielles, commerciales, artisanales, agricoles ou libérales sont éligibles, excluant les activités civiles.
Activités éligibles et exclusions : Ainsi, pour l’article 787 B du CGI, sont considérées comme activités commerciales celles de l’article 34 et 35 du CGI. Par exemple, les activités de construction-vente ou de marchand de biens sont éligibles.
Exclusions spécifiques : certaines activités sont expressément exclues, telles que les activités :
- de location de locaux nus, quelle que soit l’affectation des locaux ;
- de location de locaux meublés à usage d’habitation ;
- de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation ;
- de promotion en restauration de son patrimoine immobilier, consistant à faire effectuer des travaux sur ses immeubles.
Exclusions supplémentaires : Les activités de gestion d’un portefeuille de valeurs mobilières d’une société sont également exclues.
Pour les holdings animatrices, toutefois, il est admis d’appliquer les dispositions de l’article 787 B du code général des impôts aux transmissions à titre gratuit de parts ou actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe, dès lors que le groupe a pour activité une activité éligible au dispositif.
L’activité de location équipée
La location équipée, également connue sous le nom de location-gérance d’équipements, est une forme particulière de location commerciale dans laquelle le bailleur loue non seulement les locaux, mais également les équipements et le matériel nécessaires à l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle.
Appliqué à l’espèce, la Cour de cassation semble orienter vers l’acceptation d’une activité éligible au dispositif Dutreil : elle rappelle que l’activité de location équipée, ne peut être qualifiée de civile si elle implique la mise à disposition d’équipements nécessaires à l’exploitation.
L’arrêt de la Cour d’appel de renvoi sera donc à surveiller pour avoir de nouveaux éléments de réponse. Notons que cette cour devra prendre en compte l’activité réelle pour déterminer l’éligibilité, ce qui fait écho à la méthode du faisceau d’indices préconisé par la Haute juridiction pour qualifier la nature de l’activité.
La décision de la Cour de Cassation renforce encore une fois l’importance de la qualification précise de l’activité.
Dans cet environnement exigeant, consulter un avocat fiscaliste devient impératif pour assurer une planification successorale efficace. L’expertise d’un professionnel du droit fiscal permettra de prendre des décisions éclairées et d’utiliser judicieusement le régime Dutreil pour réduire les charges fiscales, garantissant ainsi des économies substantielles lors de la transmission d’une entreprise familiale.